Reiner Hoffmann, qui a rencontré Alexis Tsipras à Athènes, souligne le besoin d’une alternative à l’austérité et s’insurge contre l’intransigeance de Berlin, qui nourrit outre-Rhin une dangereuse dérive nationaliste.
La Confédération des syndicats allemands (DGB) n’hésite pas à manifester un désaccord total avec la politique grecque du gouvernement Merkel. Le président du DGB, Reiner Hoffmann, a fait le voyage d’Athènes à la veille du week-end pascal, pour y rencontrer le premier ministre grec. Et il ne s’est pas contenté de confirmer la position de son organisation, qui avait salué le succès de Syriza lors du scrutin du 25 janvier dernier. Il a aussi fustigé l’intransigeance de Berlin dans les négociations actuelles autour du déblocage d’une tranche d’aide dont Athènes a les plus grands besoins. «Il faut en finir en Allemagne avec le populisme. Stop à la légende du Grec paresseux !» a lancé Reiner Hoffmann, en allusion aux remugles nationalistes qui empestent dans le débat outre-Rhin. Berlin, qui laisse entendre quasi ouvertement qu’Athènes n’aurait d’autre projet que de vivre aux crochets du contribuable allemand, y a beaucoup contribué. Et la menace du recours à un «Grexit», ou sortie de la Grèce de la zone euro (aux conséquences désastreuses pour les Grecs mais aussi potentiellement pour tout le reste de la zone euro), est toujours implicitement brandie alors que les négociations patinent dangereusement à Bruxelles sur les conditions du déblocage des 7,5 milliards d’euros dont Athènes aurait le plus urgent besoin pour honorer de prochaines échéances de remboursement et éviter la cessation de paiement (voir encadré).
Le DGB a choisi de monter au créneau contre les gardiens du dogme austéritaire qui, s’inquiète-t-il, emmènent l’Europe à sa perte. Le syndicat considère un changement d’orientation politique européenne comme urgent et «indispensable.» «À bas les diktats des politiques d’austérité, vivent les investissements !» avait déjà fait savoir, fin janvier, le président du DGB dans un style on ne peut plus direct.
Les syndicalistes allemands s’expriment en faveur d’un «plan Marshall pour la Grèce», misant précisément sur le soutien à des investissements nationaux qui permettraient au pays de commencer à combler certains de ses retards sur ceux du cœur de la zone euro. Après son entrevue avec Alexis Tsipras, le chef du DGB a relevé les besoins énormes de mesures en faveur des jeunes Grecs (dont plus d’un sur deux est touché par le chômage). Le financement d’un vaste plan de formation, a-t-il indiqué, «serait possible par le biais d’un fonds social européen ou de la Banque européenne d’investissement». Il a invoqué également la création d’infrastructures pour mettre en valeur les fortes potentialités d’un pays béni du soleil et des vents en matière d’énergies renouvelables «alors que plusieurs îles, dit-il, sont toujours alimentées en électricité par des générateurs diesel».
Laxisme des autorités pour faire appliquer le nouveau SMIC
À Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances de Berlin qui, si prompt à manifester les exigences les plus pointilleuses sur le respect des règles auxquelles Athènes se serait engagée, avait défrayé la chronique outre-Rhin en proposant d’envoyer 500 spécialistes de son ministère des Finances pour «faire rentrer l’impôt» en Grèce, Reiner Hoffmann répond solennellement. Cette arrogance populiste est d’autant plus insupportable, souligne-t-il, que l’administration Merkel est incapable de faire respecter chez elle «les engagements qu’elle a pris devant la population en matière de salaire minimum». Et Reiner Hoffmann de déplorer la très longue liste des entreprises dont le contournement du smic (entré en vigueur en janvier) «est devenu le sport favori».
Le smic de 8,50 euros brut de l’heure reste inaccessible à des centaines de milliers de salariés. Le texte de loi officiel restrictif en écarte déjà les jeunes de moins de 18 ans et les chômeurs de longue durée (pendant une période de 6 mois après leur retour à l’emploi) et plusieurs branches, dont le minimum tarifaire reste inférieur aux 8,50 euros, continuent d’être exemptées de smic jusqu’en 2017. De surcroît, le patronat des secteurs où il n’existerait plus aucune raison qu’il ne s’applique en bonne et due forme, a mis au point tout un arsenal de mesures, souvent totalement illégales, qui lui permettent d’échapper à l’obligation de le payer. Et les contrôles des pouvoirs publics sont d’une insuffisance si notoire qu’ils ne permettent généralement pas de rétablir les salariés dans leurs droits. D’où la colère du président du DGB qui dénonce ce laxisme des autorités et revendique «l’instauration d’un droit à déposer plainte» de son organisation pour que la loi s’applique enfin sur le territoire allemand.
Ping : Angela Merkel a-t-elle commencé à chanceller ? | Bruno Odent