Patrick le Hyaric, l’ex directeur de l’humanité, décortique les causes de la guerre en Ukraine, toutes les causes, celles qui accablent Poutine mais aussi les autres, pointant les responsabilités de Joe Biden qui entend restaurer la suprématie de l’hyperpuissance US (in l’humanité.fr).
La guerre étend ses ravages depuis plus de 6 mois sur l’Ukraine, avec son cortège de sang, de destructions et de souffrances. Comment en est-on arrivé à cette sinistre réminiscence en Europe? Peu se sont risqués à en disséquer les raisons pour donner à comprendre ce qui se joue alors que déferle un flot de commentaires, confondant analyse et propagande de guerre. Patrick le Hyaric fait œuvre utile en se risquant sur ce terrain.
L’ex directeur du journal l’humanité publie « Les raisons de la guerre en Ukraine » un ouvrage (1) où il dissèque le conflit et ses racines systémiques. La responsabilité du capitalisme est à tous les étages, démontre-t-il, mettant en exergue cette observation de Jaurès: «le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. »
Les motivations de l’agresseur, Vladimir Poutine, s’en laissent déduire. L’auteur met en relation sa fuite en avant dans un nationalisme «grand russe», au moment où s’aiguise la crise d’un système parmi les plus prédateurs de la planète. Le choix de tout centrer sur l’exploitation des hydrocarbures, si lucrative pour les oligarques, pénalise le développement général. Une pauvreté endémique ravage le pays. Pour donner le change « le tsar » écrit Le Hyaric, va pratiquer une fuite en avant identitaire et nationaliste si proche des thèmes des droites extrêmes européennes. S’il convoque souvent le souvenir de la puissance du soviétisme, il déploie un anti-bolchevisme à toute épreuve, quand il reproche à Lénine et aux siens d’être à l’origine d’une république soviétique ukrainienne qui heurte aujourd’hui ses prétentions territoriales.
Mais la guerre illustre aussi un choc des empires. Les Etats-Unis et leurs alliés ont renié l’engagement donné à Gorbatchev, à la chute du mur en 1989, de ne pas étendre le périmètre de l’Otan. Ce qui n’a pas manqué de nourrir la fièvre du Kremlin. Joe Biden s’est saisi de la réplique à Poutine comme d’une aubaine pour réhabiliter l’interventionnisme de l’hyper puissance dont il proclama au début de son mandat qu’elle avait vocation à «régir le monde». Il impulse une fuite en avant dans le surarmement, y compris nucléaire, comme instrument de la réhabilitation d’une suprématie US contestée au sein d’une mondialisation en crise.
Le très puissant lobby militaro-industriel états-unien est comblé. Les alliés européens de l’Otan s’alignent et lui achètent, comme l’Allemagne, une profusion d’armes sophistiquées. Et le conflit ukrainien sert de banc d’essai à une guerre en puissance avec la Chine, l’ennemi qu’il faut terrasser pour que l’impérialisme US retrouve tous les leviers de commande.
L’Ukraine présente, au passage, l’intérêt de receler dans son sous-sol, outre d’immenses réserves de gaz, du lithium, du cobalt, du titane et nombre de ces métaux rares, si stratégiques dans les productions de matériaux numériques ou de batteries. De quoi alimenter les convoitises des oligarques états-uniens.
Comment arrêter ces engrenages potentiellement destructeurs du genre humain ? Patrick Le Hyaric plaide l’instauration d’un « pacte mondial pour une sécurité humaine globale.» Il avance le besoin «d’une révolution civilisationnelle » pour « dépasser le capitalisme» et ses travers mortels. L’Europe, relève celui qui fut député européen de 2009 à 2019, peut tourner le dos aux tambours de la compétition et de l’affrontement. Elle possède les moyens de s’engager contre la loi du roi dollar, cet autre arme de destruction massive des Etats-Unis. Il en va de la réussite des transitions d’urgence à mettre en œuvre pour la paix comme pour le climat et la justice sociale. Une démocratie poussée bien plus loin qu’elle ne l’a jamais été, un communisme d’autant plus actuel et opérant qu’il existe déjà dans nombre de conquêtes, fournit le moyen de cette vitale subversion.
Bruno Odent
- (1) « Les raisons de la guerre en Ukraine », Patrick Le Hyaric, éditions de l’humanité, 236 pages, 12,50 euros