Bulles spéculatives sur I’intelligence artificielle ou les crypto monnaies, faillites de banques régionales, les signes de fragilité se multiplient sur les marchés alors même que se profile la bombe de l’insolvabilité d’une montagne de «crédits privés ».
Le contrecoup de la financiarisation de l’économie mondiale, impulsée par les administrations états-uniennes successives, comme par la majorité des dirigeants européens, alimente des craintes de plus en plus marquées d’imminence d’un krach à la dimension retentissante. Le décalage entre les performances de l’économie réelle et celles, toujours plus boostées, de la sphère financière, devient intenable. Wall street, la bourse de New-York épicentre de ce monde financier représente aujourd’hui près du double ( 190%) du PIB des États-Unis.
Des niveaux record ont été atteints par les indices de Wall street ou de la bourse de Paris. Le dow Jones pulvérise les 45..000 points. Et le Cac 40 s’inscrit au-dessus des 8000 points, un peu comme si la valeur des titres pouvait être totalement s’affranchir des aléas de la vie économique et sociale, de la stagnation française et européenne ou des signes de ralentissement de l’activité de plus en plus perceptibles outre atlantique .
Mais dans l’histoire déjà longue des krachs l’euphorie financière précède justement les pires effondrements. Quand un événement vient provoquer des enchaînements à la chute vertigineuse des cours. En 2008 les paris d’une hausse sans fin des valeurs des crédits immobiliers low costs dit «subprimes» ont conduit nombre d’investisseurs à s’endetter massivement pour tirer le maximum de profits de cette opportunité. Avant de s’apercevoir qu’ils ne valaient plus rien. Ce qui va avoir aussitôt un effet boule de neige sur l’ensemble des marchés financiers et provoquer un séisme économique avec à la clé la pire récession enregistrée dans le monde occidental. Et une terrible addition présentée aux travailleurs des deux côtés de l’atlantique comme à ces millions de citoyens états-uniens, modestes accédants à la propriété dont le rêve s’écroule.
Une énorme « bulle » sur l’intelligence artificielle
Aujourd’hui des mécanismes, pour le moins aussi redoutables, sont à l’œuvre. De formidables bulles financières, résultat de la surévaluation des titres de tout un secteur, se sont formées et menacent d’éclater d’un instant à l’autre. L’engouement pour les titres de l’intelligence artificielle atteind des sommets. La seule capitalisation boursière de Nvidia dépasse les 4000 milliards de dollars. Du jamais vu de mémoire de traders. Sauf au tournant des années 2000 où un mouvement analogue en faveur des titres de l’internet naissant allait provoquer un crash phénoménal.
Autre bulle financière, autre symptôme de la fragilité de tout un système: les crypto monnaies viennent d’enregistrer un redoutable décrochage, au lendemain d’une nouvelle annonce de Donald Trump visant à intensifier sa guerre commerciale avec la Chine. Le mécanismes est le même : une frénésie d’achats à grand frais des investisseurs. Jusqu’à ce que s’accumulent leurs difficultés à rembourser les emprunts souscrits sur les marchés pour prendre le contrôle de la monnaie numérique dérégulée, source des mega-profits, tant désirés.
Enfin dernier signal d’alerte retentissant: plusieurs banques régionales états-uniennes qui se sont emparés des dérégulations mises en place pour doper leurs activités viennent de faire faillite, incapables de faire face à une montagne de créances irrécouvrables.
L’emballement des « crédits privés »
Ces mécaniques sont d’autant plus redoutables que les prêts octroyés aux traders en goguette de bonnes affaires ne sont plus désormais l’apanage des banques qui, depuis le krach de 2008 et la retentissante faillite de Lehman Brothers, sont soumises à un minimum de règlements et de contrôles. Mais tout a été fait pour libéraliser les marchés afin de permettre à de gros acteurs potentiels de se procurer les fonds désirés aux meilleures conditions.
Ces opérations extra-bancaires dont baptisées « private credit » (crédit privé). A la manœuvre des super sociétés d’investissements, des fonds de pension, des multinationales qui peuvent ainsi passer directement prêter des sommes colossales.
L’évolution du « private credit « est spectaculaire. Réduit à moins d’une centaine de milliards d’euros en 2010 il serait l’objet aujourd’hui d’au moins 2200 milliards de dollars de transactions, selon les chiffres communiqués par la Banque des Règlements Internationaux (BRI) qui avoue cependant, être sans doute bien en dessous de la mesure véritable du phénomène. Car, pointe-t-elle, il n’y a aucune obligation de déclaration pour l’octroi de tels crédits.
Y compris le chef de JP Morgan tire sur l’alarme
L’un des experts les plus roués et les plus reconnus du système, James Dimon, chef de la plus grande banque des Etats-Unis, JP Morgan Chase, vient de mettre les pieds dans le plat lors d’une intervention à Miami au début de ce mois, sur la gravité du danger qui se profile. Il reproche aux investisseurs du monde entier leur « sous-estimation systématique des risques. Et il estime« la probabilité très élevée » d’enregistrer prochainement un crash massif sur les marchés. Les réactions en chaîne provoquées par défauts du «private credit» mettraient en péril les équilibres d’entreprises, de fonds de pension, de compagnies d’assurance un peu partout dans le monde et pourrait devenir « un des problèmes les plus dangereux pour l’économie mondiale. »
Les pourvoyeurs de « private credit » sont des sociétés d’investissements comme Blackstone, Apollo ou Ares dont les dirigeants sont très perméables à l’approche «libertarienne» des champions les plus ultras du capital états-unien comme Elon Musk ou Peter Thiel, grand maître de la société de big data Palantir Technologie. Sous couvert de lutter contre une bureaucratie, dommageable au talent des chefs d’entreprise et à leurs affaires, ils revendiquent de s’assoir sur la moindre obligation de transparence, ou de garantie bancaire.
Une récente étude du Fonds Monétaire international (FMI) souligne l’extrême fragilité de nombres d’utilisateurs du système de « private credit ». 40% d’entre elles auraient des rentrées d’argent systématiquement inférieures à leurs dépenses. Le prochain krach est bien en phase d’approche.
Bruno Odent

