« Il faut arrêter cette fuite en avant belliciste » 

Michael Müller est l’un des coauteurs d’un « manifeste» signé par plusieurs hauts dirigeants du SPD, entrés ouvertement en dissidence  contre la dynamique de la course aux armements, référence cultivée par le gouvernement Merz auquel participe leur propre parti. Enteetien publié in l’humanité du 15.07..2025

Le manifeste élaboré par Michael Müller et d’autres dirigeants de 1er plan du SPD fait sensation outre Rhin. Tant ce texte n’hésite pas à prendre l’exact contrepied de la politique de surarmement décidée par la coalition CDU/SPD du chancelier Merz. Illustration du réveil du mouvement pacifiste allemand cette initiative constitue un point d’appui considérable pour les militants de la paix de toute l’Europe qui entendent empêcher la poursuite de la course à l’abîme nourri par le choc en Ukraine des impérialismes russe mais aussi « occidental », orchestré par Washington et l’Otan . Ancien secrétaire d’État à l’environnement du 1ergouvernement Merkel entre 2005 et 2009 , dirigeant de la fédération de la protection de la nature, il fut plusieurs décennies durant député au Bundestag.    

Le chancelier Friedrich Merz veut que l’Allemagne soit la meilleure élève de la classe de l’Otan et de sa nouvelle norme de 5% du PIB en dépenses militaires. Que vous inspire cette annonce ?  

C’est une fuite en avant belliciste qui ne peut conduire qu’à de très graves confrontations, comme on les a vécues à d’autres moments terribles de l’histoire y compris coloniale puisque sont envisagées, en même temps, la possibilité d’interventions européennes tous azimuts sur la planète. C’est une démarche folle du point de vue d’une véritable sécurité. 

Qu’attendez-vous du pavé lancé dans la marre par votre manifeste qui a déjà recueilli près de 18.OOO signatures ? 

Nous entendons provoquer un choc et des discussions au sein du SPD ou des syndicats. On ne peut pas laisser faire une telle entreprise de décervelage. Il nous faut donner le courage de réagir à ceux qui n’entendent pas se soumettre à ces préparatifs de guerre, à coup d’annonces alarmistes. 

Il faut en revenir aux faits concrets établis :  les États européens , membres de l’Otan, dépensent déjà plus d’argent pour l’armement que ce qui constitue la globalité du budget de la Russie. 

Vous vous revendiquez des résultats considérables obtenus par la politique de détente de l’ex chancelier Willy Brandt dans les années 1960 /1970. D’aucuns vous accusent du coup de passéisme et d’avoir perdu le sens des réalités ?  

Pardon. Ce genre de tir de barrage sert surtout à empêcher le développement de toute discussion  sérieuse. Le souci de la paix dont fut longtemps porteur le SPD, a fait ses preuves sur le long terme et a permis d’éviter une déflagration militaire dont l’humanité risquait de ne pas se relever. Excusez du peu. Elle a permis de déboucher sur les accords d’Helsinki puis sur la mise en place de l’Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe (OSCE) qui ont placé la recherche d’accords dans l’intérêt mutuel des différentes parties au-dessus de tout. Willy Brandt disait, et nous l’avons mis en exergue de notre manifeste : «  La paix n’est pas tout. Mais tout n’est rien sans la paix. »      

Vous reprenez beaucoup dans votre manifeste le concept de sécurité commune. Qu’entendez-vous par là ?

L’idée c’est d’abord de dresser un état des lieux, le plus complet possible. On ne peut en effet replacer la diplomatie au centre qu’en mettant à plat toutes les frictions, divergences et autres rivalités qui ont pavé le chemin de la guerre. Il faut donc reprendre langue avec Moscou pour avancer sur ce terrain et trouver des moyens sérieux de désamorcer le conflit.

Vous refusez le déploiement sur le territoire allemand de missiles états-unien en 2026, comme convenu à un précédent sommet de l’Otan ?

Il ne s’agit plus, comme au début des années 1980, d’un face à face entre les fusées pershings états-uniennes et les SS20 soviétiques. Les missiles qui doivent être déployés, le Dark-Eagle-System mis au point par le champion de l’armement états-unien, locked Martin, transportent des têtes nucléaires, volent à une vitesse 17 fois supérieur au mur du son et ont la particularité d’être quasiment indétectables. C’est dire combien ils possèdent le caractère d’armes dites du « premier coup », car capables de surprendre l’adversaire sans qu’il puisse répliquer. 

Les stratèges états-uniens ont mis au point ce genre d’engins qui banalisent l’usage des armes nucléaires sur le champ de bataille. Selon une démarche, par excellence, agressive et non plus simplement dissuasive. Et ce déploiement fait naturellement  du territoire allemand une cible potentielle privilégiée.   

Quel ressort trouvé pour désamorcer la funeste dynamique de  guerre ?     

Depuis 3 ans l’Europe a été incapable de formuler le moindre plan de paix. Les seuls qui avancent sur ce terrain sont les gouvernements chinois, indiens, brésilien ou sud-africain. Il serait temps de confier à l’un de ces BRICS une mission d’intermédiaire pour une conciliation, préalable qui permette d’ouvrir la voie à de vraies discussions de paix, sous une houlette forcément multilatérale, donc de l’ONU.

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