Pourquoi Berlin n’est pas prêt de céder aux incantations de Macron

merkel-1-400x267En difficulté pour former un gouvernement, Angela Merkel subit la pression des nationalistes comme elle est tributaire de forces monétaristes qui rejettent la moindre ébauche de solidarité européenne qualifiée d’« Union de transfert ».

Après le tremblement de terre politique qu’a constitué l’élection du Bundestag, Angela Merkel ne sera pas un partenaire facile pour Emmanuel Macron. Même dans l’hypothèse où elle trouve d’ici quelques semaines les moyens de former un gouvernement avec les libéraux (FDP) et les Verts, pour se hisser à nouveau dans le fauteuil de chancelière.

Parmi les propositions européennes formulées mardi soir par le président français, seule celle d’installer un superministre des Finances à la tête de la zone euro pourrait donner lieu à un éventuel compromis avec Berlin. Mais pas franchement dans le sens de l’ébauche d’une solidarité budgétaire entre États membres, vendue par le Français. Wolfgang Schäuble, l’actuel ministre des Finances allemand, fut en effet le premier à envisager une telle architecture pour « coiffer » son propre projet d’«Europe à plusieurs vitesses ». Moyennant quoi son super-ministre à lui se verrait surtout doté de pouvoirs coercitifs pour faire respecter par chacun la lettre des normes restrictives européennes, depuis celles définies par Maastricht et le pacte de stabilité jusqu’à la règle d’or (0,3 % de déficit structurel) du traité budgétaire adoptée en 2012. Tout au mieux le grand argentier allemand se dit-il prêt à assouplir les normes quand surgissent dans tel ou tel pays de grosses difficultés. Mais, à chaque fois, sous condition pour le bénéficiaire de cette « faveur » de s’engager dans des « réformes structurelles ». Entendez, comme en Grèce, des coupes à la hache dans ses dépenses publiques et sociales.

Et s’il n’est pas certain que Schäuble garde les manettes des finances, son successeur pourrait faire preuve d’une intransigeance plus forte encore quant au respect des dogmes ordo-libéraux, devenus référence européenne. Le parti libéral, seule formation à pouvoir prétendre briguer le poste, annonce qu’il est déterminé à appliquer une ligne Schäuble… XXL.

LOGIQUE MONÉTARISTE

Réagissant aux propositions Macron, son chef de file, Christian Lindner, a prévenu : « Un budget de la zone euro où l’argent atterrirait en France pour les dépenses publiques ou en Italie pour réparer les erreurs de Berlusconi représenterait une ligne rouge pour nous. »

Cette opposition catégorique du FDP à toute « Union de transfert » (rejetant la moindre péréquation vers les pays les plus pauvres), est au centre d’une formidable controverse au sein de la classe dirigeante allemande qui a débouché, il y a quatre ans, sur l’émergence d’une dissidence à l’origine de la création du parti nationaliste (AfD), celui-là même qui vient de faire une entrée en force dans le Bundestag, et dont le projet traduit, en fait, une ultime gradation de logiques monétaristes restrictives vers le national-libéralisme.

La CSU, l’aile très conservatrice du parti de la chancelière, qui a subi en Bavière d’importantes pertes au profit de l’AfD, n’est guère encline à faire la moindre concession sur son « flan droit », surtout pas sur le cadre européen. Les Grünen, les seuls à afficher quelques bienveillances macroniennes, apparaissent aussi isolés sur ce dossier qu’ils sont la plus petite force d’une éventuelle coalition gouvernementale. Quant au scénario d’un blocage sans appel des négociations qui conduirait à des élections anticipées, il est clair qu’il contribuerait à un raidissement « national » encore plus fort de la chancelière. Ce qui ramène les propositions européennes d’Emmanuel Macron à leur état brut : celui d’incantations.

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