L’Allemagne vit sous le choc des multiples agressions perpétrées contre des femmes dans la nuit du 31 décembre. Les nationalistes se déchaînent, prompts à utiliser la présence éventuelle de réfugiés parmi les suspects.
Les agressions sexuelles contre des dizaines de femmes dans la nuit de la Saint-Sylvestre, à Cologne, enflamment le débat outre-Rhin. Si les enquêteurs restent très prudents quant à l’identification des coupables, ils pointent cependant formellement l’implication de malfrats d’origine maghrébine qui auraient fait appel au renfort de jeunes réfugiés. La révélation de l’ampleur du phénomène – la police de Cologne a reçu près de 400 plaintes de femmes pour vol à la tire, agressions sexuelles et deux pour viol – suscite une énorme émotion. Plusieurs militantes féministes font part de leur dégoût. «Respectez-nous. Nous ne sommes pas du gibier même quand nous sommes nues», clamait, pancarte à la main, l’une de ces militantes qui est restée une dizaine de minutes en habit d’Ève sur le parvis de la cathédrale. Katja Kipping, coprésidente de Die Linke, demandait que l’on fasse preuve de «la plus grande fermeté» à l’égard de ces actes criminels contre l’image et le corps des femmes.
Merkel pressée par les nationalistes
Au plan politique, les voleurs et violeurs de la Saint-Sylvestre ont enclenché un funeste tango avec les joueurs de flûte des diverses formations nationalistes, à droite et à l’extrême droite. Les lourds soupçons pesant sur la présence de réfugiés parmi les auteurs des exactions – le ministre de la Justice, Heiko Maas (SPD), s’est dit persuadé qu’elles auraient été «coordonnées» – contribuent à donner au débat, déjà très vif autour du droit d’asile, une dimension nauséabonde. D’aucuns, comme les dirigeants du mouvement Pegida (Patriotes Européens contre l’Islamisation de l’Occident) , n’hésitent pas à pratiquer l’amalgame pour présenter tous les réfugiés comme des agents infiltrés du djihad et faire des événements du 1er janvier la preuve d’une extension de la «guerre des civilisations» sur le sol allemand. Leur manifestation, à laquelle participaient des hooligans arborant le salut nazi, a dégénéré samedi dans la violence, L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), le parti d’extrême droite, omniprésent sur la scène médiatique, est donné désormais entre 9% et 10% des intentions de vote par les sondages.
La chancelière est placée une nouvelle fois sur la défensive sur la question de l’immigration. Pressée par les nationalistes de son propre camp – les chrétiens sociaux bavarois (CSU) ont été parmi les premiers à instrumentaliser les événements de Cologne –, elle a annoncé, le 9 janvier, une accélération à venir du régime d’expulsion des demandeurs d’asile, traduits en justice.
Un arsenal de mesures sécuritaires
Angela Merkel accélère ainsi un tournant restrictif, engagé depuis plusieurs semaines. Une loi révisant le droit d’asile national en écarte d’office les demandeurs issus de pays dits «sûrs» comme le Kosovo, des pays du Maghreb ou même… l’Afghanistan. Les procédures de reconduite à la frontière des demandeurs «recalés» sont diligentées. Au récent congrès du parti chrétien-démocrate (CDU) à Karlsruhe, la chancelière n’avait pas hésité à dénoncer, devant un auditoire ravi, le «mensonge mortel» que représenterait un «multiculturalisme» qui conduirait à «l’établissement de sociétés parallèles». Un arsenal de mesures, prévoyant un renforcement de contrôles policiers ou l’extension de la vidéosurveillance, a été annoncé par le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière. Ces surenchères, sécuritaire et répressive, prévient l’opposition (Die Linke, Verts) au Bundestag, ne sont «pas utiles» et pourraient être très contre-productives en alimentant un terrible climat de défiance entre les populations.