Les partisans d’une ligne nationale-monétariste dure s’imposent au congrès de Cologne de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) les 22 et 23 avril, marginalisant la figure dirigeante du parti, Frauke Petry. Deux tenant de l’aile radicale, Alexander Gauland et Alice Weidel, sont désignés tête de liste de l’AfD pour l’élection du Bundestag de septembre.
Petry et Meuthen , les deux co-dirigeants de l’AfD ne cachent plus leurs dissenssions
Frauke Petry, la chef de file de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), était favorable à une opération de séduction de l’extrême droite allemande dans l’espoir de mieux lui faire passer le cap du prochain scrutin du Bundestag. Elle avançait la nécessité d’un processus de « banalisation-normalisation », selon le « modèle » mis en œuvre par Marine Le Pen de ce côté-ci du Rhin. Elle a dû s’incliner lors du congrès préélectoral de l’AfD, qui se tenait ces 22 et 23 avril à Cologne, devant une coalition des tendances les plus ultras du parti. Les délégués ont ainsi refusé d’examiner la motion présentée par leur dirigeante pour « une voie réaliste vers un grand parti populaire ». Petry, qui aurait dû, en toute logique, devenir la tête de liste de l’AfD pour les législatives de septembre, avait déjà dû annoncer qu’elle y renoncerait avant même le démarrage des travaux du congrès. Les partisans d’une ligne alliant ultranationalisme et ultramonétarisme ont réussi à prendre la tête des opérations.
La liste de l’AfD à l’élection du Bundestag sera conduite par un duo, formé par Alexander Gauland, un « identitaire » pur et dur, ex-vétéran de la CDU, et l’économiste Alice Weidel, une des croisées du combat pour la sortie de l’euro. Le programme électoral adopté par les délégués prend une tonalité toujours plus xénophobe. Il se prononce pour un quota minimal annuel de reconduites à la frontière, contre le regroupement familial, et revendique son islamophobie, déclarant : « L’islam n’appartient pas à l’Allemagne. » Il prétend stopper « la tendance à l’auto-dissolution des Allemands » (sic).
Jörg Meuthen, chef de file de l’AfD dans le Bade-Wurtemberg, qui codirige le parti aux côtés de Petry, apparaît comme le nouvel homme fort de l’AfD. Il incarne parfaitement sa double « radicalisation », nationaliste et libérale. Professeur d’économie à l’université de Kehl, il a présenté, il y a quelques semaines, un projet d’éclatement de la zone euro. Il prévoit de chasser de la monnaie unique « tous les pays qui ne peuvent pas suivre », comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal mais aussi la France. Pour conserver au sein d’un «euro du Nord» les pays de l’ex-zone mark comme l’Autriche, les Pays-Bas et la Finlande.
Le même Jörg Meuthen, devenu député du Bade-Wurtemberg, avait défrayé la chronique en s’en prenant à la subvention versée chaque année par le Land pour l’entretien du mémorial du camp de Gurs, en France, où quelque 6 500 juifs ont été déportés à partir de 1940. Et il avait apporté un soutien remarqué à Björn Höcke, dirigeant de l’AfD dans le Land de Thuringe, qui avait, lui, déclenché un tollé en déplorant que le peuple allemand soit le seul au monde à « avoir planté dans le cœur de sa capitale un monument de la honte », en allusion au mémorial de l’holocauste, installé près de la porte de Brandebourg à Berlin.
Divisions internes et nouveau coup de barre à droite pourraient bloquer in extremis l’entrée de l’AfD dans le Bundestag, qui paraissait acquise il y a quelques jours encore. Même s’il faut se souvenir que, ironie du sort, Frauke Petry avait ravi le pouvoir début 2015 à Bernd Lucke, le fondateur de l’AfD, après un autre putsch dont la caractéristique fut de s’appuyer sur le mécontentement des… ultras.