Pénalisée par son propre modèle de société la première puissance mondiale a pris le peloton de tête des pays les plus touchés par la pandémie. Son plan de relance, obsédé par le rétablissement de Wall street, s’annonce incapable de contrer la dépression économique qui menace.

Les Etats-Unis sont devenus l’épicentre des crises – sanitaire et financière – qui ravagent la planète. Wall street s’est écroulée perdant près d’un tiers de sa valeur en l’espace d’un mois et le pays est devenu le plus touché au monde par l’extension de la pandémie. Le plus préoccupant est que cette exacerbation des deux crises sur le territoire des Etats-Unis se voit accélérée par le modèle de société états-unien lui même. Le système est mu par des logiques dévastatrices pour les patients et les personnes placées au front dans le combat contre le fléau du coronavirus. Des logiques qui compromettent aussi les efforts engagés pour redresser l’économie réelle, quand l’essentiel des super-investissements décidés est dévoué au rétablissement de Wall Street.
New York, la ville monde confinée, désertée, est frappée de plein fouet. Toutes les tares d’un système de santé parmi les plus chers et les plus inégalitaires des pays développés resurgissent.Des centaines de milliers de New Yorkais – ils sont prés de 30 millions à l’échelle de tout le pays – ne possèdent aucune couverture maladie. Ceux là hésitent à se rendre chez le médecin même quand surgissent les premiers symptômes du covid 19 et ils n’entrent bien souvent à l’hôpital que lorsque leur état s’est fortement dégradé. Ils savent que le montant de la facture risque de les précipiter illico dans une situation de faillite personnel.
L’expérience de Danni Askini, une jeune femme de Boston, non assurée qui souffrant de symptômes de plus en plus aigus, décida de passer outre ses réticences pour se faire soigner à l’hôpital, a fait le tour du pays. La facture de quelques jours de prise en charge hospitalière pour la réalisation du test au covid 19 qui s’est avéré positif, se monte à 34.927,43 dollars (environ 31. 500 euros). « Qui pourrait se permettre le luxe d’honorer une telle facture médicale. Elle s’est vu reprocher sa légèreté et de ne pas avoir souscrit à temps une assurance medicaid, censée fournir une couverture low cost aux plus démunis.
3,3 millions de chômeurs supplémentaires en une semaine
Même quand vous faites partie de cette majorité de citoyens dument assurés les frais d’hospitalisation restent élevés. Car les compagnies pratiquent des franchises, comme pour une vulgaire assurance auto. Une étude réalisée par la fondation Kaiser (recherches sur la famille) pointe que cette franchise s’élève en moyenne à 1.655 dollars (environ 1380 euros). Pour beaucoup une raison supplémentaire de ne pas se précipiter pour se faire diagnostiquer. Ce qui est naturellement une aubaine pour la diffusion du virus.
Et franchir aujourd’hui le seuil d’un hôpital new-yorkais n’est pas vraiment une délivrance. Car la règle du flux tendu qui s’applique à l‘hôpital, comme aux secteurs économiques à la recherche de la rentabilité financière maximum, n’a pas conduit les hôpitaux à se doter de réserves stratégiques suffisantes, notamment en masques ou en respirateurs.
Les témoignages affluent des personnels soignants de la grosse pomme à bout. Une doctoresse du Elmhurst hospital center dans le queen, un quartier qui accueille une population plutôt démunie et immigrée, confie au New York Times : « c’est apocalyptique. Lits, instruments, équipements, on maque de tout ». Une photo de soignants couverts de sacs poubelles en guise de protections a fait le tour des rédactions. Un navire hôpital de la marine est attendu dans les prochains jours. « Mais il en faudrait au moins trois » relèvent les médecins.
La dégradation de la situation sanitaire va de paire avec celle de l’économie. Pour des raisons là aussi systémiques. On a déploré vendredi dernier 3,3 millions de chômeurs supplémentaires en l’espace de seulement une semaine. Dans un pays où nombre de salariés travaillent sans filet dans dans la plus grande précarité les destructions d’emploi sont très rapides. Au point que Steve Mnuchin , le secrétaire au trésor lui même, envisage ouvertement désormais un taux de chômage à 20%. Et le plus souvent, en même temps qu’ils sortent de l’emploi les salariés perdent leur … assurance santé, généralement incluse dans leur contrat de travail.
Implanté au cœur du maelström sanitaire new yorkais Wall street bénéficie d’une sollicitude extrême. Tout est fait pour empêcher un nouvel effondrement de la place financière. Le plan « historique » de Donald Trump à 2000 milliards de dollars (1860 milliards d’euros) adopté à la fin de la semaine passée avec les démocrates du congrès en vertu d’une démarche d’union sacrée, est dévoué à doper le capital quitte à le placer sous perfusion permanente.
Les modalités même d’organisation du plan dit de relance de l’administration Trump ne laissent aucun doute sur ses véritables priorités. Ainsi le géant des fonds dit d’investissements BlackRock a-t-il reçu mandat de la réserve fédéral (FED) pour gérer une partie des rachats de titres boursiers émis par les entreprises ou les banques. Les masses d’argent colossales créées et mises à disposition par la banque centrale sont destinées à sauver la mise des agioteurs qui ont parié sur l’essor de Wall street. Comme les traders de… BlackRock qui ont fait des Fonds Indiciels cotés ( ETF) l’un de leurs produits de placements phares. Caractéristique de ces ETF : ils sont indexés directement sur l’évolution des cours de la bourse. On na encore un souvenir ému de l’implication de BlackRock dans la réforme française des retraites. Il va pouvoir cette fois s’auto-administrer les fortifiants de la FED.
Seule Wall street est en station intensive
Le plan Trump lâche certes quelques dizaines de milliards au système de santé au bord de l’étouffement. Mais sans rien préciser de son contenu. Il prévoit bien de prolonger l’indemnité chômage d’un trimestre. Mais cette générosité pour les plus démunis apparaît dérisoire quand on sait que la durée légale maximale d’indemnisation est le plus souvent réduite aujourd’hui à…12 semaines.
Quant au versement d’un crédit d’impôt de 1200 dollars (un peu plus de 1000) euros) aux contribuables des classes moyennes, il est destiné au moins autant à maintenir un niveau élevé de la consommation qu’à voler au secours de salariés ou de retraités dont le pouvoir d’achat est frappé plus ou moins directement par l’effondrement des cours de la bourse.
Pour l’administration Trump il s’agit de gagner du temps. En attendant un redémarrage de l’économie le plus rapide possible. Tel que l’a souhaité ouvertement le locataire de la Maison Blanche en estimant qu’un retour à la normal serait « envisageable » d’ici la mi-avril et les fêtes de Pâques. « Un plongeon dans la dépression » a – t – il cru bon de justifier, serait finalement, « bien plus coûteux en vie. »
«Let them die » (laissez les mourir) clament les plus jusqu’au boutiste de cette école faussement darwinienne et jusqu’au- boutiste qui a cours dans l’entourage du président. Il vaudrait mieux laisser les personnes âgées ou fragiles mourir que de prolonger la paralysie de l’économie.
L’obsession du rétablissement de Wall street envisage ainsi des «solutions» qui n’ont pas peur de franchir les seuils plus redoutables d’inhumanité, alors qu’une . Alors qu’un vrai traitement des crises jumelles, sanitaire et financière, implique aux Etats-Unis comme ailleurs des ruptures radicales avec l’ordre dominant. S’il a mis sa campagne en stand by Bernie Sanders, le candidat à la candidature démocrate à la présidentielle de novembre, insiste sur le besoin d’instaurer ici et maintenant « la garantie d’un congés maladie et de dépistages gratuits.»
