La ministre du Travail voudrait exclure les jeunes et les chômeurs de longue durée du salaire minimum dont une mise en place laborieuse est prévue, entre 2015 et 2017, par le contrat de grande coalition CDU-SPD.
On arrive outre-Rhin dans la phase de mise en musique du salaire minimum qui doit entrer progressivement en vigueur entre 2015 et 2017, selon le contrat de grande coalition (CDU/SPD). Andrea Nahles, ministre du Travail (SPD) du gouvernement Merkel III, vient de rendre publique l’ébauche d’un projet de loi sur le sujet. Le texte prévoit d’exclure du droit au futur Smic les jeunes jusqu’à 18 ans et les chômeurs de longue durée (depuis plus d’un an sans emploi).
Depuis plusieurs semaines le patronat, relayé par certains dirigeants chrétiens-démocrates, multiplie les pressions pour que le futur salaire minimum soit assorti d’un maximum de clauses d’exemption. Et le projet d’Andrea Nahles en porte hélas d’évidence la marque. «Le salaire minimum est mité avant même d’exister», a réagi aussitôt Lisa Weingarten, dirigeante du syndicat Ver.di des services. Elle souligne que l’instauration d’un Smic étendu à l’ensemble du territoire national «ne saurait souffrir d’exceptions et doit s’appliquer de la même façon partout et à tous les citoyens». L’indignation est partagée par Bernd Riexinger, coprésident de Die Linke, qui a fait savoir que son parti entend bien porter l’affaire devant la Cour constitutionnelle. «Nous engagerons une procédure contre toute limite d’âge», a indiqué lundi dernier le dirigeant de Die Linke dans les colonnes de la Neue Osnabrücker Zeitung. Et il fait remarquer que les dispositions discriminatoires à l’égard de citoyens en fonction de leur âge ou de leur degré de privation d’emploi «sont anticonstitutionnelles».
L’émotion est d’autant plus forte que le processus de mise en place du salaire minimum tel que défini (étalé sur deux ans) dans l’accord de gouvernement entre la CDU et le SPD est truffé déjà de multiples clauses d’exemption. Ainsi les branches dans lesquelles les minima salariaux seront toujours inférieurs début 2015 au montant du futur Smic seront-elles autorisées à continuer à pratiquer des rémunérations sous le seuil légal jusqu’en 2017 (voir l’Humanité du 4 décembre 2013). De plus, le contrat engageant le gouvernement Merkel III prévoit un gel du montant de cette rémunération minimum jusqu’en 2018 à 8,50 euros brut de l?heure (contre 9,30 euros pour le Smic français d’aujourd’hui).
Sur la possibilité d’avancement de l’âge de départ à la retraite à 63 ans, dossier présenté comme l’autre «chantier social» de la grande coalition, Andrea Nahles semble reculer aussi. La réforme qui doit entrer en vigueur au 1er juillet prochain prévoit d’autoriser les salariés ayant eu de très longues carrières (45 annuités) à partir avant l’échéance légale (65 et bientôt 67 ans). Ce projet soulève, là encore, les objections du patronat qui s’inquiète d’une «épidémie de départs en préretraite» et de «risques de pénurie de main-d’œuvre qualifiée» à cause de l’aptitude donnée aux salariés de quitter leur emploi dès 63 ans ou un peu avant en s’inscrivant au chômage tout en étant assurés de toucher plus tard une retraite sans décote. «En l’état, nous ne pourrons pas approuver le projet?», menace Thomas Strobl, vice-président de la CDU. Au ministère du Travail, on certifie que les dispositions de la future loi seront… durcies. Et on avance que la possibilité de départ «avant l’heure», sera modifiée pour tenir compte de la montée en puissance de la retraite à 67 ans. La limite d’âge pour y avoir droit devrait ainsi être augmentée progressivement, dans les années qui viennent. Elle atteindra, selon les calculs du ministère du travail, 65 ans pour les personnes nées en 1964.