Symptôme du malaise politique que produit le «modèle», les manifs des joueurs de flûte
de l’extrême droite s’amplifient à Dresde. Ailleurs, les contre-manifestants accentuent la riposte.
Les manifestants qui ont défilé une nouvelle fois dans les rues de Dresde lundi soir à l’appel d’un mouvement baptisé Patriotes d’Europe contre l’islamisation de l’Occident (Pegida) étaient près de 20 000, plus nombreux encore que les semaines précédentes. Pegida parvient à prospérer sur l’immense malaise politique et identitaire que produit le «modèle allemand» de régression sociale. Différents groupuscules, crypto-bruns antilibéraux, identitaires ou même ouvertement néonazis, comme le NPD, parviennent, avec un succès croissant très préoccupant, à fédérer une sorte d’opposition extraparlementaire clamant «Nous sommes le peuple», comme lors des rassemblements qui ont précédé la chute du régime de l’ex-RDA. Ils jouent des peurs qui émergent dans une société ébranlée par les réformes antisociales et une immense défiance à l’égard des partis politiques traditionnels. Et si l’effroi suscité par la barbarie islamiste en Syrie est instrumentalisé, Pegida prospère surtout sur l’angoisse d’une population largement précarisée qui craint de se faire «voler» son emploi ou ses allocations sociales par les immigrés et les demandeurs d’asile. Certes globalement plus nombreux outre-Rhin, aujourd’hui ceux-là sont pourtant très rares dans un Land comme la Saxe, qui ne compte pas plus de 0,5% de migrants musulmans.
Les passerelles avec l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), le parti d’extrême droite anti-euro qui a réalisé une percée à plus de 10% aux récentes élections régionales, sont de plus en plus notoires. Une sorte de sommet est ainsi prévue aujourd’hui à Dresde entre les principaux tribuns du mouvement et le groupe de l’AfD au Parlement de Saxe.
Pegida, qui cherche à étendre les mobilisations au-delà de son fief saxon à d’autres villes allemandes, semble en échec sur ce terrain-là. À Cologne, Rostock, Hambourg ou Berlin, les joueurs de flûte bruns n’ont pas rassemblé lundi plus de quelques centaines de personnes. À l’inverse, des contre-manifestations ont réuni beaucoup plus de monde. Signe que les résistances s’amplifient face aux dangers de cette poussée de fièvre nationaliste. Même Angela Markel a jugé nécessaire de monter au créneau, dénonçant «l’intolérance à l’égard de ceux qui n’ont pas la même couleur de peau ou la même religion», lors de la présentation de ses vœux à la nation. La démarche est louable. Le lien n’en est pas moins accablant entre l’exigence de fer dont fait preuve la chancelière dans la stricte application des ordonnances ordo-libérales par les partenaires de la zone euro et la montée du nationalisme en Allemagne, comme dans le reste de l’UE.