BCE: superbanco à mille milliards pour les marchés

La BCE va lancer un vaste plan de rachats d’obligations du Trésor, pour faire face à la menace de déflation. Mais les politiques austéritaires à l’origine de la léthargie restent encouragées, et la Grèce en est écartée.

Face à une menace de plus en plus prégnante de déflation, la Banque centrale européenne a décidé, jeudi, de racheter à partir du mois de mars un total de plus de 1 000 milliards de titres de dettes d’États ou d’entreprises. L’ampleur de la campagne qui devrait s’étaler jusqu’en septembre 2016, au rythme de 60 milliards de rachats par mois, illustre à sa façon l’acuité des problèmes qui assaillent aujourd’hui la zone euro. Tout comme le choix de l’assouplissement quantitatif (recours massif à la planche à billets), pratiqué largement aux États-Unis ces trois dernières années, mais considéré longtemps comme un tabou par les gardiens de la doxa européenne.

Il est bien minuit moins cinq, a reconnu en substance Mario Draghi, le président de la BCE, lors de sa conférence de presse. Il a pointé «en premier lieu, des dynamiques d’inflation qui ont continué d’être plus faibles que prévu». Les prix dans la zone euro ont chuté de 0,2% au dernier trimestre et l’inflation se limite à 0,2% sur un an (contre un objectif inscrit dans les textes légèrement inférieur à 2%). Et «les mesures adoptées entre juin et septembre», soit une première tentative de déversements massifs de liquidités sur les marchés, n’ont pas tenu leurs promesses, a précisé M. Draghi. Le spectre de la déflation hantait donc toujours plus fort une zone euro en plein marasme avec une stagnation de la croissance pour tous les États membres, y compris pour la «locomotive» allemande.

L’austérité, origine du mal, 
reste prescrite

Si la gravité de l’affection implique effectivement le déclenchement d’un traitement exceptionnel, la guérison du malade paraît toujours bien loin d’être acquise. Car le diagnostic ignore la véritable origine de la menace déflationniste : les politiques austéritaires. Ce sont elles, en effet, qui réduisent la demande en écrasant les salaires et en rationnant les dépenses publiques. Les marges nouvelles espérées d’une baisse de la monnaie unique – qui a poursuivi sa chute hier, après l’annonce de la BCE, à moins d’1,15 dollar pour 1uro –, pour les industries exportatrices de la zone, auront du mal à compenser la poursuite annoncée de la léthargie sur les marchés intérieurs. Le président de la BCE n’en a pas moins plaidé, une fois encore, l’accélération «des réformes du marché du travail». Traduisez une flexibilisation maximale. Angela Merkel, qui plaide l’application sans faille de «réformes de structures» de ce type, avait d’ailleurs pris les devants depuis Davos, quelques minutes avant la conférence de presse de Mario Draghi, en martelant : «La décision de la BCE ne saurait nous écarter de ce chemin.»

L’intervention annoncée sert d’abord les marchés financiers. La BCE va acheter des titres déjà émis par les États ou les entreprises sur le marché secondaire. Ce qui va rendre les investisseurs totalement maîtres du jeu. Avec les très gros risques que cela induit. Ils pourront privilégier des choix de rentabilité dans des placements spéculatifs qui pourraient contribuer à la formation de nouvelles bulles financières. Alors qu’il faudrait permettre aux États et aux acteurs économiques d’accéder, grâce à la création monétaire de la BCE, à des crédits sélectifs en faveur de l’emploi, la formation, les services publics ou de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour faire face aux besoins considérables des populations de la zone euro.

À l’inverse de cette logique constructive pour le projet européen, puisqu’elle permettrait aux pays les plus en difficulté d’avoir accès aux crédits bon marché indispensables pour se remettre à flot et se développer, les mesures adoptées par la BCE vont autoriser les marchés financiers à continuer de jouer les États les uns contre les autres. Les rachats de titres d’obligations du Trésor sont assortis, en effet, de conditions strictes. Ils ne pourront être réalisés que par les banques centrales nationales, à proportion de leur participation au capital de la BCE. L’essentiel du risque restera donc assumé par chaque pays. Il ne sera mutualisé qu’à hauteur de 20% seulement de la totalité du programme. On imagine le casse-tête qui s’annonce pour un pays comme la Grèce, dont la Banque centrale n’aura quasiment aucune latitude pour alléger son service de la dette (dont le taux vient de grimper à plus de 9%).

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