La tricherie sur les émissions de CO 2 intervient au plus mauvais moment pour le groupe automobile qui subissait déjà de très forts reculs sur les marchés chinois et des pays émergents.
Le bidonnage technique falsifiant la réalité des émissions polluantes des pots d’échappement des véhicules du groupe aux États-Unis va précipiter Volkswagen dans les difficultés. Ses conséquences iront bien au-delà du marché états-unien du diesel, qui ne représente pas plus de 5% des ventes du constructeur allemand. Les pertes immédiates s’annoncent certes très lourdes, avec une amende estimée généralement autour de 18 milliards de dollars (environ 16milliards d’euros) sans compter le coût des rappels de véhicules. Mais aussi considérables soient-ils, ces dégâts-là s’annoncent dérisoires mesurés à la contre-publicité planétaire qui va frapper le numéro deux mondial de l’automobile en termes d’image. Lui qui a fait précisément de la fiabilité de ses produits son principal argument de vente. Toute la presse économique allemande bruissait dès hier de rumeurs sur le choc à venir pour le constructeur et ses équipementiers en Allemagne et en Europe de l’Est. Le quotidien Handelsblatt anticipait ainsi des pertes abyssales qui rendraient «inéluctables des licenciements massifs».
Le choc s’annonce d’autant plus rude que le groupe est déjà touché de plein fouet depuis quelques mois par la chute spectaculaire de ses résultats sur son premier marché, la Chine, où les véhicules de la marque Volkswagen, comme ceux des dépendances de luxe du Konzern, Audi et Porsche, enregistrent un véritable affaissement de leurs ventes, en lien avec le net ralentissement de l’économie de l’empire du Milieu. Ainsi, selon les derniers chiffres disponibles, les ventes de la multinationale ont diminué de 22% au cours du mois de juin dernier (comparé aux résultats du même mois l’année précédente).
Or, Volkswagen a beaucoup misé sur la conquête des marchés chinois et des pays émergents. Le groupe a opéré ce choix stratégique dans le courant de la décennie 2000, à l’instar d’une industrie exportatrice allemande dont il constitue l’un des principaux fleurons. Il a voulu se prémunir de la croissance atone qui touche son marché intérieur comme ses débouchés traditionnels sur le Vieux Continent, frappés l’un comme l’autre de léthargie austéritaire. Mais placé ainsi aux avant-postes des logiques du tout à l’export du «modèle» de compétitivité germanique, Volkswagen subit de plein fouet l’effet boomerang du coup de frein chinois et de la panne de plusieurs autres émergents (Brésil, Russie, Afrique du Sud).
La procédure engagée par l’EPA, l’agence états-unienne de protection de l’environnement, comme l’énormité de l’amende infligée servent sur un plateau les intérêts des constructeurs états-uniens et des arrière-pensées «protectionnistes» ne sauraient naturellement être évacuées. Mais la tricherie avérée de Volkswagen éclaire surtout de façon très crue sur l’incompatibilité des logiques du «modèle» avec les défis de l’écologie. Sous la pression du lobby des producteurs de grosses berlines (Volkswagen, BMW et Daimler-Benz), Angela Merkel n’a-t-elle d’ailleurs pas déjà imposé à ses partenaires européens un report de 2020 à 2024 de l’abaissement des normes de pollution à 95 grammes de CO2 par km (contre 130 aujourd’hui). Et, autre facteur aggravant d’émission de CO2, Berlin se refuse toujours à instaurer une limitation de vitesse sur ses autoroutes.