Déploiement de missiles commerciaux contre Pékin et immixtion dans les affaires de Berlin pour appuyer la fronde de l’aile nationale-libérale du gouvernement Merkel, tout sert la recherche d’un nouvel ordre mieux soumis à la domination US.
Donald Trump accentue son offensive pour bouleverser l’ordre mondial au profit de l’hyperpuissance. D’un côté, il brandit toujours plus ostensiblement la hache de la guerre commerciale contre Pékin. De l’autre, il s’immisce dans les affaires intérieures allemandes et européennes, en appuyant ouvertement les desseins du courant nationaliste et xénophobe présent au sein du gouvernement d’Angela Merkel.
Jusqu’où le président des États-Unis est-il prêt à pousser sa recherche d’un « deal » avec Pékin pour restaurer la suprématie de l’économie US ? Lundi 18 juin, il a demandé à son secrétaire d’État au commerce, Robert Lighthizer, d’identifier 200 milliards de dollars de biens chinois sur lesquels augmenter les droits de douane de 10 %. La mesure constitue une seconde salve d’artillerie commerciale. Le locataire de la Maison-Blanche en avait tiré une première vendredi 15 juin, en décrétant des droits de douane de 25 % sur 50 milliards de dollars d’importations chinoises. Sous couvert de compenser « le vol de technologies et de propriété intellectuelle » par la Chine.
Pékin ayant décidé de riposter en taxant, à son tour, une liste de produits US, Trump s’est lancé dans la surenchère. Il laisse même entendre qu’il pourrait aller encore plus loin en appliquant des droits de douane supplémentaires sur la quasi-totalité des produits chinois importés aux États-Unis. Le ministère chinois du Commerce dénonce des « pratiques de pression extrême et de chantage », éloignées du « consensus auquel étaient parvenues les deux parties dans leur consultation ». Pékin ne restera donc pas l’arme au pied.
Pour Donald Trump, peu importe que cette escalade soit à hauts risques pour la stabilité économique et la paix mondiale, elle est partie intégrante d’une stratégie qu’il avance avec méthode et détermination. Il s’agit de réhabiliter ou de renforcer l’hégémonie des États-Unis. Y compris s’il faut bousculer ses « partenaires » occidentaux. Comme au récent G7, au Canada, ou en pesant de tout son poids dans le débat intérieur germanique sur l’immigration, comme il le fit aussi le 18 juin en appuyant ouvertement le ministre de l’Intérieur bavarois, Horst Seehofer, et sa volonté de fermer les frontières, contre la chancelière Angela Merkel.
Washington soutient la mouvance nationaliste et populiste en Europe
« Le peuple allemand est en train de se retourner contre ses dirigeants », a tweeté Trump en arguant qu’à cause de l’immigration « la criminalité en Allemagne » était « très en hausse ». Ce qui constitue une pure « fake news », au vu des chiffres statistiques officiels d’outre-Rhin, représente un bon moyen conjoncturel de défendre sa propre politique de fermeture de la frontière mexicaine. Fût-ce au prix d’enfermer des enfants de sans-papiers. Mais il ne faut pas s’y tromper : l’immixtion de Trump obéit à une démarche bien plus fondamentale qui vise à réordonner le monde sous la houlette des États-Unis et se rapproche donc de l’effet recherché par les missiles commerciaux déployés contre la Chine.
L’administration Trump soutient la mouvance nationaliste et populiste qui s’étend jusqu’en Italie et en Autriche et menace l’avenir de l’UE. Le calcul est simple : la recherche de deals bilatéraux serait bien plus commode avec des Européens ayant abandonné toute volonté de résister en même temps que toute velléité de coopération. Au multilatéralisme actuel pourrait se substituer des règlements internationaux bien mieux tributaires des directives de Washington,
Le nouvel ambassadeur des États-Unis en Allemagne, Richard Grenell, est un des missionnaires de cette stratégie trumpienne. « Je voudrais définitivement renforcer d’autres conservateurs en Europe », a-t-il déclaré dans une récente interview sur le site Internet de l’ultradroite états-unienne Breitbar. Il y fait l’éloge du chancelier autrichien, Sebastian Kurz, au pouvoir avec le parti d’extrême droite FPÖ. Surtout, Grenell fréquente assidûment toutes les initiatives de la mouvance droitière d’outre-Rhin. Il cultive ainsi un lien étroit avec Jens Spahn, ministre de la Santé et dirigeant du parti chrétien-démocrate de la chancelière. Signe particulier : Spahn se veut la tête pensante d’une alternative nationale-libérale, « sans tabou », y compris celui d’une alliance gouvernementale avec… l’AfD (extrême droite allemande).