Une bonne anticipation de la dimension du fléau, un dépistage massif appuyé sur l’industrie, le maintien d’une forte densité hospitalière sont le secret de ce pays qui déplore quatre fois moins de victimes du covid-19 que la France

Quel est le secret de l’Allemagne ? Le pays affiche jusqu’ici et de très loin un bien meilleur bilan de la lutte contre la pandémie que ses grands voisins européens, en particulier la France et Royaume Uni. Berlin et les dirigeants des 16 Länder ( états-régions) associés étroitement dans la gestion de la crise, estiment que la pandémie serait « sous contrôle » et ont lancé lundi 20 avril des premières mesures d’un dé-confinement qu’ils veulent « prudent et progressif » en autorisant la réouverture de tous les commerces de moins de 800 mètres carrés.
L’Allemagne recensait ce 20 avril 4642 décès provoqués par le covid 19, soit 4 fois moins que la France pour un nombre d’infections prouvées sensiblement identique, aux alentours de 150.000 dans les deux pays.
« Trois semaines d’avance sur ses voisins européens »
Alors que Paris se signalait par ses terribles atermoiements, l’alerte maximum allait être enclenchée par Berlin dès que les premiers cas de contaminations sont apparus en Bavière à la mi janvier. Le grand centre de recherche de l’hôpital de la Charité dans la capitale allemande a transmis alors à tous les laboratoires du pays les procédures de tests du covid 19. L’Allemagne allait pouvoir monter en puissance très rapidement vers un recours massif au dépistage. Jusqu’à pratiquer aujourd’hui quelques 500.000 tests hebdomadaires.
« L’Allemagne a pris, je crois, au moins trois semaines d’avance sur ses voisins européens parce que nous avons beaucoup diagnostiqué, beaucoup testé », expliquait le 20 mars dernier Christian Drosten, directeur de l’Institut de virologie de la Charité, dans les colonnes de l’hebdomadaire Die Zeit.
Mais encore fallait-il que le pays dispose des moyens de cette réactivité. Pour fabriquer les tests nécessaires, les autorités allemandes vont pouvoir s’adosser sur un tissu industriel fort, détenant une maîtrise de la haute technologie. A l’inverse de Paris dont la politique s’est accommodée, voire s’est appliquée à encourager une terrible désindustrialisation hexagonale. Ce qui a sans doute contribué à un certain degré de résignation à gérer la pénurie d’équipements clé.
Une entreprise berlinoise, TIB Molbiol va être sollicitée outre Rhin pour produire à grande échelle des tests dès février dernier. Et les hôpitaux allemands vont très vite passer commande de quelques 10.000 respirateurs auprès d’entreprises locales en prévision d’un éventuel afflux de patients dans leurs centres de soins intensifs.
Une densité hospitalière relativement préservée
A côté de cet atout industriel, le maintien d’une densité hospitalière relativement forte constitue l’autre secret du bon comportement allemand face à la pandémie. Et cela en dépit du dit frein à la dette (règle d’or budgétaire inscrite dans la constitution) qui a conduit nombre de collectivités régionales à couper dans leurs dépenses de santé. Les urgences sont restées bien mieux équipées, l’Allemagne disposant selon les chiffres de l’OCDE, de 6,02 lits de soins aigus pour 1000 habitants contre 3,09 pour la France. Un état de fait qui a d’ailleurs conduit à de remarquables gestes de solidarité de plusieurs établissements allemands qui ont accueilli des patients français dans leurs services intensifs au plus fort de la pandémie quand les hôpitaux du grand Est étaient submergés.
Il y a cependant quelques ombres à cette gestion plutôt exemplaire. L’un des principaux sujets d’inquiétude porte sur l’accès aux soins des milieux populaires. Un système de couverture maladie à deux vitesses fait en effet cohabiter, depuis des années, les souscripteurs d’assurance privés issus des milieux les plus aisés avec les assurés des caisses légales (l’équivalent de la sécurité sociale). Et les mieux et les plus rapidement servis sont naturellement les premiers. En cas de nouvelle flambée de l’épidémie, des arbitrages insupportables pourraient prendre une dimension aussi obscène que criminelle.
Cette perspective sombre est d’autant moins à écarter que le patronat allemand mène une campagne de tous les instants pour une réouverture rapide de l’économie. Avec des répercussions peut être inévitables sur un retour de flamme du covid-19.